Nos jeunes camarades des JRCF ont déniché une pépite à partager largement, témoignage de la réalité de ce que sera l’enseignement supérieur privatisé, d’après ce que l’on peut déjà en voir avec les écoles de commerce, ces « écoles » pour la plupart privées et contrôlées directement par le patronat à travers les chambres de commerce et d’industrie.
La soi-disant « excellence » des écoles de commerce
Nous partageons ce témoignage édifiant paru dans Le Monde ( 21-09-2018) sur la fameuse excellence de nos formidables et très chères écoles de commerce, l’exemple le plus emblématique d’enseignement privé en France.
Ce court texte nous montre que ce type d’établissement est loin d’être une réussite ! Et pourtant c’est sur ce modèle qu’on souhaite aligner l’Université française ! C’est explicitement dit dans le rapport de l’économiste Robert Gary-Bobo de 10 pages, réalisé pour En Marche lors de la Présidentielle, sorti de l’ombre par les Macronleaks. Nous conseillons vivement de les lire pour savoir ce qui nous attend en matière de régression dans un futur proche!
Petite précision sur un préjugé tenace: à condition égale, le système d’enseignement public est bien plus performant que le système privé.
L’économiste Michaël Lainé témoigne de son expérience de professeur dans une « business school » et s’interroge sur une relation commerciale où l’achat du diplôme l’emporte sur l’objectif de formation……….
L’université est décriée pour son niveau et les inégalités qui s’y perpétuent. Étrangement, les écoles de commerce échappent à la critique.
J’ai travaillé dans l’une d’elles pendant un an, après avoir exercé auparavant dans trois universités, et aujourd’hui à Sciences Po Lille.
Mais ce qui se passe en école de commerce n’a rien en commun avec ce que l’on est en droit d’attendre de l’enseignement supérieur.
Les étudiants y calent les tables avec des billets de 50 euros; leur emploi du temps est si chargé qu’il leur faut deux téléphones portables, un » perso » et un » pro » .
On s’était cru dans une école, on se découvre dans une garderie.
Pas de bibliothèque: trop coûteux, et puis de toute façon, les étudiants ne lisent pas.
Globalement, les étudiants se montrent intolérants à l’effort ou à la frustration.
Bien sûr, une minorité se révèle motivée et douée.
Seulement, très rares sont ceux qui prennent des notes.
Quand on tente de les faire travailler, quelques-uns répliquent sur le ton de l’évidence :
« Mais monsieur, je paie votre salaire, donc je fais ce que je veux. »J’ai cru, en arrivant, au discours que les écoles de commerce tiennent sur elles-mêmes :
on paie des frais d’inscription certes élevés, mais, à la fin, nos futures élites auront des compétences solides.En fait de compétences, j’ai vite déchanté.
À quelques mois du diplôme, la plupart ne sait pas ce qu’est un seuil de rentabilité; la vue d’un bilan ou d’un compte de résultat l’ effraie aussi sûrement qu’un crucifix terrorise les vampires; leur anglais est incompréhensible pour qui ne parle pas français; calculer un taux de croissance suscite le désarroi, même parmi les « bons » éléments…
On se rassure en se disant que, pour des collégiens, ils ne sont pas si mauvais.
Et puis, on les entend parler de leurs stages dans les meilleures entreprises…
Individus tout-puissants
Au début, on est bien un petit peu incrédule.
Tous les collègues serinent que le niveau est différent, qu’il faut s’adapter, c’est-à-dire abaisser ses exigences.
Mais cela ne suffit pas. Entre les étudiants et l’école, la relation est commerciale. L’objet de la transaction n’est pas une formation de qualité, mais un diplôme monnayable sur le marché du travail.
Le taux d’échec à l’examen est encore trop élevé.
Un responsable hiérarchique me répétait qu’il fallait que je fasse « une gaussienne autour de 12 » pour la notation. Je lui répondais « mérite », « travail » et « niveau . Il m’assénait : « S’ils ont de mauvaises notes, c’est ton échec. »
Je me souviens d’une épreuve où la moyenne était de 6,5/20.
Je suis convoqué par deux responsables. L’entame est habile : « Je suis sûr que tu les as notés selon leur vrai niveau. » Ils font l’éloge de mon intégrité et de ma compétence, et me parlent d’ « adaptation » et de « pragmatisme .
Traduction : je ne peux attendre des étudiants la même compétence qu’à l’université. Ils m’invitent à relever toutes les notes de deux points. Quand cette pression amicale ne suffit pas, la direction organise jusqu’à cinq sessions de rattrapage. Parfois, elle s’embarrasse de moins de scrupules. Aussi a-t-elle décidé, sans nous avertir, de remonter de trois points toutes les moyennes.
Certains d’entre nous l’ont su par les étudiants.
Ceux-ci apprennent très tôt les règles du jeu. Dès la première année, un étudiant rejeta sur moi son manque de travail : « J’ai l’esprit de compétition : si je n’ai pas une bonne note, je vais voir M. X [responsable des relations avec les étudiants] pour qu’il remonte ma moyenne. »
Comment cautionner ces pratiques de corruption institutionnalisée?
Comment accepter que les diplômés de l’université, pourtant d’un meilleur niveau, deviennent les subordonnés de ces individus tout-puissants et incompétents?
J’ai donc démissionné.
Dans leur écrasante majorité, mes collègues me donnent raison.
Seulement, vous comprenez, la paie est bonne, il y a les enfants…
Et puis, beaucoup ne peuvent pas partir, la barre est trop haute à la fac.
Alors ils ravalent leurs états d’âme. Ainsi s’instaure une sélection par la médiocrité et une loi du silence.
Le tout au nom de l’excellence. »