L’Humanité du 9 décembre 2014 a accordé une interview au chercheur Jean-Marie PERNOT au sujet des évènements qui secouent actuellement la CGT. A la lecture de l’article intitulé « La CGT ne doit pas rester prisonnière d’elle-même » on aurait pu penser que ce chercheur allait analyser les orientations stratégiques de lutte, en rapport avec la situation économique et sociale que traverse notre pays et, surtout, les conséquences pour les travailleurs. Et bien non ! Son analyse de la crise que traverse la Confédération porte uniquement sur le fait que la CGT n’est pas en adéquation avec les salariés d’aujourd’hui : « elle est organisée sur le modèle des année 1960-1970, elle n’a pas pris en compte les réorganisations productives qui ont transformé l’entreprise ».
S’il est vrai que les modes de production ont évolué, l’exploitation capitaliste, elle, est restée et s’est approfondie. D’ailleurs, il n’y a qu’à lire les déclarations du patron des patrons, Pierre Gattaz, et la politique mise ne œuvre par le gouvernement pour en être convaincu. Ce n’est ni plus ni moins que la suppression des acquis du CNR, du Front populaire et des grèves de 1968, obtenus par la lutte des travailleurs. Dans ces périodes, la CGT avec ses structures a conduit les travailleurs à la victoire face à un patronat et à des gouvernements acquis au modèle libéral.
Aujourd’hui, ce ne sont pas les structures de la CGT qui ont amené la CGT dans l’impasse où elle se trouve. La CGT a mené jusqu’aux années 1980 un combat de classe et de masse. Mais, déjà, des éléments pouvaient inquiéter comme la collusion de certains dirigeants avec les milieux patronaux, tel André Sainjon, dirigeant de la puissante fédération de la métallurgie devenu patron, la lutte entre réformistes et révolutionnaires ayant toujours traversé le mouvement syndical. L’offensive des dirigeants réformistes se cristallise lors du congrès de 1982, à Lille, où la CGT abandonne les manuels de formation jugés caducs maintenant que la gauche est au pouvoir. Mais c’est le 4ème congrès de 1995 qui marque une étape décisive : alors que des millions de travailleurs battent le pavé contre le plan Juppé, le congrès modifie les statuts et abandonne le syndicalisme de lutte de classes.
Les années 90 voient, en effet, redoubler l’offensive du grand capital, suite à la disparition des pays socialistes et au virage réformiste de nombreuses organisations ouvrières en Europe, dans la lignée de l’Eurocommunisme. Cette période voit l’aggravation des rivalités inter-impérialistes et l’accélération de la construction européenne du capital, outil de la réaction sur toute la ligne, avec le traité de Maastricht, dans ce contexte de reconfiguration des aires de domination capitaliste et de la nécessité de la mise au pas de la France et de ses luttes. Un effort tout particulier a été fait pour affaiblir la CGT et la faire basculer dans le camp du syndicalisme d’accompagnement, en organisant l’ensemble du syndicalisme français autour d’un pôle réformiste, la Confédération Européenne des Syndicats (CES). Le départ de la Fédération Mondiale des Syndicats (F.S.M.), l’adhésion à la C.E.S. (à l’origine antenne européenne de la Confédération Internationale des Syndicats libre (C.S.L.), fondée avec l’argent de la CIA avec l’aval et la protection de la C.F.D.T., ont entériné la dérive, approfondie de congrès en congrès jusqu’au dernier, le 50ème.
Pour comprendre la crise que traverse actuellement la CGT, il faut se référer non pas à son organisation structurelle mais à son orientation politique. La CGT dont les travailleurs ont besoin se doit d’éclairer la situation par des prises de position politiques. Elle doit exprimer son point de vue de classe sur toutes les questions qui concernent les salariés, l’exploitation des travailleurs par le capital. Les salariés sont concernés au premier chef par la politique du patronat, par les décisions politiques des gouvernements, par les positions des partis et organisations politiques. Un syndicalisme de classe se doit de prendre position clairement et d’entériner les conclusions qui s’imposent.
De plus en plus de cégétistes combatifs comprennent que la cause profonde de la crise que traverse la CGT est dans l’abandon des positions de classe, dans l’alignement de la CGT à la recherche d’une unité pourrie avec l’état-major jaune de la CFDT, dans le reniement par les dirigeants CGT eux-mêmes des principes du syndicalisme de classe et de masse.
C’est pourquoi :
Les militantes et militants syndicaux et militants d’entreprise du P.R.C.F. dénoncent le lâchage dont ont fait l’objet les travailleurs en lutte qui se sont battus seuls le plus souvent, dans la dernière période, qu’il s’agisse des ouvriers de l’industrie, des cheminots, des intermittents du spectacle, des marins de la S.N.C.M., des pilotes d’Air France, etc., alors que face aux gouvernements maastrichtiens et au M.E.D.E.F, le seul choix est de perdre séparément ou de gagner tous ensemble et en même temps mais, pour cela, la CGT doit retrouver ses fondamentaux. Elle doit redevenir un syndicat de classe et de masse !
Jo Hernandez – responsable national du secteur Luttes du P.R.C.F