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La guerre civile qui vient…
« Le Capital amènera la guerre civile chez les pauvres ». Je n’ai eu de cesse ces derniers mois de rappeler cette phrase de Michel Clouscard. Et pour cause, elle décrit de la manière la plus synthétique qui soit l’actualité à laquelle nous devons ou allons devoir faire face. En effet, nous constatons que la guerre civile idéologique est déjà en place et elle n’est que le premier pas vers une guerre horizontale véritable qui pourrait se présenter si nous n’y prenons pas garde.
I – De quel grand remplacement parlons- nous ?
Après les attentats du Charlie Hebdo du 07 Janvier 2015, la théorie dite du « grand remplacement », introduite par Renaud Camus et véhiculée entre autre par Eric Zemmour[1] et l’ensemble de la droite réactionnaire, semble a priori plus que jamais d’actualité. Cette théorie tend à montrer que l’immigration massive conduit inévitablement à un grand remplacement de population et à une islamisation conséquente de la France, qui serait « détournée d’elle-même ». En résumé, de plus en plus d’immigration d’origine africaine conduirait à terme à détruire la France et « ses racines européennes ». Cette théorie qui analyse peu les origines historiques d’un tel processus, puisqu’elle est soutenue par des théoriciens schizophrènes qui ne peuvent lutter contre le capitalisme qu’ils défendent (le « capitalisme à papa », mort depuis 50ans bientôt pourtant) sans comprendre que cette logique d’immigration sert dans le même temps les intérêts du Capital, contre l’ensemble des classes populaires, issues ou non de l’immigration. C’est une analyse classique qui tend à mettre en avant les rapports et luttes ethniques plutôt que de s’intéresser aux causes économiques et sociales. Maurice Bardèche, précurseur de cette théorie écrivait d’ailleurs en 1960 : « La race blanche ne luttera plus pour sa prédominance économique ou politique, elle luttera pour sa survie biologique. […] Demain, ce ne sont plus les prolétaires et les capitalistes qui se disputeront les richesses du monde, ce sont les Blancs, prolétaires et capitalistes unis, qui auront à se défendre, eux, race minoritaire, contre l’invasion planétaire ».
Or, en réalité, le Capital se moque des identités, couleur de peau ou religion. De fait, « quand il s’agît d’argent, tout le monde est de la même religion » disait Voltaire – prémisse de la doctrine libérale axiologiquement neutre qui prétend évacuer toute question éthique et sociale en plaçant l’argent au centre des relations. Le Capital préfèrera toujours négocier avec un riche industriel africain qu’avec un prolétaire français. La lecture de Bardèche est donc une lecture faussée qui ne tient pas compte de la réalité historique et des processus capitalistes.En effet, Marx le premier a très bien montré quel était l’intérêt du Capital dans l’immigration. (Cf. immigration en Irlande – Le Capital). Plus tard, lors des « trente honteuses », c’est aussi le Capital qui a eu recours à l’immigration de masse. Il y trouve en effet deux intérêts principaux que je vais tenter d’exposer ici :
– L’immigration est un outil de dumping social qui permet une mise en concurrence des travailleurs, peu importe leur origine. Elle permet donc d’offrir une main d’œuvre à bas coût et ainsi de faire pression sur les salaires afin d’augmenter le taux de profit pour l’entreprise au détriment des salariés. Le Capital, dont l’objectif principal est l’accumulation et le maintien du pouvoir a donc tout intérêt à organiser cette immigration. Aussi, en mettant les travailleurs en concurrence, il ouvre déjà les portes d’une guerre horizontale : celle des travailleurs les uns contre les autres, plutôt qu’une lutte verticale. Ainsi, tout est mis en place pour que le prolétaire français voit dans l’étranger ou chez le français d’origine immigrée un accapareur.
– Le second intérêt, bien plus subtil mais fondamental a consisté à remplacer les banlieues dites « rouges » par des banlieues composées de populations d’origines immigrées. Dans le même temps, le P.C.F a renoncé au combat qui était le sien, préférant se rallier à la fois à la social-démocratie et à la lutte en faveur du Marginal foucaldien (Le fou, La femme, Le noir, L’arabe… – sans tenir compte de leurs intérêts communs. Renouveau de la guerre de tous contre tous, dans les intérêts du Capital).
C’est en fait, pour réaliser un détour par la culture populaire, le passage de la Chanson de Goldman il changeait la vie, à Je te donne : exaltation des différences, dans les seuls intérêts véritables d’une homogénéisation de la population soumise à la marchandise, luttant contre ses intérêts propres.C’est là une clé de compréhension essentielle qu’il nous faut garder en perspective car ce que cela a permis c’est un changement de culture, de logiciel intellectuel et de représentation. Les outils d’analyse critique de l’économie politique qui étaient autrefois transmis par un parti communiste dans les banlieues ouvrières aux prolétaires qui s’en imprégnaient, ont été détruits au profit d’une lutte qui nous est vendue comme lutte ethnique alors qu’elle est en fait lutte de classe. La guerre horizontale, des pauvres contre les pauvres, plutôt que la lutte verticale des prolétaires -en tant que classe sociale en opposition face à la classe capitaliste. Lutte ethnique plutôt que lutte de classe.
De la même manière, la délocalisation massive d’usines en Asie et principalement en Chine permet au Capital d’écraser l’élan communard en s’exportant vers un continent où la critique de l’économie politique n’a pas été produite et où elle n’a surtout pas pu être intégrée et digérée. Ainsi, toute révolution est écrasée à la source.Si grand remplacement il y a, alors ce n’est pas le fait d’un islamisme radical organisé, mais c’est une conséquence logique de l’immanence capitalistique – c’est-à-dire le fruit des processus qu’engendre le capitalisme. Les théoriciens du grand remplacement déplorent donc les effets dont ils chérissent les causes, pour paraphraser Bossuet.
II – De l’utilité de la guerre ethnique.
Lothrop Stoddard , fondateur du concept de sous-homme et eugéniste, qui proposa une classification hiérarchique des races humaines à l’intérieur de laquelle il incluait en dernière instance les « socialistes blancs occidentaux » , avouait déjà sans véritablement s’en rendre compte que dans son idéologie ce n’était pas tant la couleur qui était déterminante, mais les rapports de classe. De la même manière, il n’est pas rare aujourd’hui d’entendre des diatribes identitaires de personnages qui finalement n’hésitent pas à faire alliance avec des ethnies différentes selon leur origine de classe ou leur idéologie commune. Leur pratique invalide leur théorie. D’autres, à la manière de Stoddard, nous expliquent encore que la violence des immigrés de banlieues (toute relative soit elle) proviendrait de leur frustration sexuelle dû à leur pauvreté économique et sociale, avant de conclure, sans s’être aperçu de leur analyse préalable, que tout cela vient en fait soit de leur race, de leur ethnie ou leur religion.
Nous voyons d’ores et déjà l’escroquerie que constituent alors ces thèses qui s’invalident elles-mêmes et se contredisent. Leur pensée, si tant est qu’il y en ait seulement une, s’annule en même temps qu’elle se produit, du fait des compromissions qu’ils sont prêt à faire pour que l’ensemble de leur représentation du monde cadre dans leur idéologie.
En réalité, ces thèses constituent un fabuleux outil de diversion intellectuelle et politique. En effet, il n’est pas besoin ici de dresser le constat plus qu’affligeant et unanimement perçu aujourd’hui des politiques menées en France, mais aussi en Europe et qui conduisent à une paupérisation constante de la majorité des peuples, tandis que la classe capitaliste ne cesse de s’enrichir.
Le capitalisme vit actuellement sa crise la plus profonde. Une crise tout à la fois économique et politique mais aussi une crise du sens, qui conduit à une perte de repères. Tout l’entraîne au regard des processus historiques logiques que Marx a très bien décrit, vers sa chute à court terme sur l’échelle historique. A l’heure où le capitalisme est prêt à s’effondrer et où il nous faudrait saisir cet instant pour le renverser et le dépasser, son unique moyen de survie est la guerre. Ce fût déjà le cas lors de la crise de 29, bien que le capitalisme n’était pas à un stade si avancé et donc moins proche de sa fin. Le grand Capital n’hésita pas à avoir recours au fascisme et à la guerre pour organiser un conflit identitaire et horizontal. Cette mise en route de la guerre s’est inscrit sur un temps long et progressif qui débuta lui aussi par une guerre civile idéologique et une propagande massive. Néanmoins, c’est ce temps long qui peut aussi nous faire garder espoir aujourd’hui si nous sommes à même de déjouer les pièges qui nous sont tendus.
Dans le même temps, aujourd’hui, nous assistons à un assassinat en règle de la philosophie et des sciences sociales qui, lorsqu’elles ne sont tout simplement pas exclues de la sphère politique et remplacées par un vide que la télévision, entre autres, vient combler, avancent toujours dans l’ombre de la grande « déconstruction » menée par les dit philosophes de la « French Theory ». Ces derniers n’ont eut de cesse en effet de déconstruire les esprits pour y faire régner un véritable chaos allant d’Althusser qui vida le marxisme de son essence et de l’hégélianisme à Judith Butler, principale théoricienne du genre, en passant par Michel Foucault dont nous avons déjà parlé plus tôt et d’autres encore qui n’ont vu de producteur que le désir.
Un corps social en décomposition. Des esprits vides. Un PCF abattu et traître (pour ce qui est de ses cadres). Une mise en avant à gauche des « déconstructeurs », à droite de la mouvance réactionnaire et pétainiste.
A tout cela, il ne manquait plus que d’introduire un bouc-émissaire, décrit comme « ennemi de l’intérieur », seul rempart pour une unification potentielle de ce qui reste de la Nation. La lutte ethnique vole donc au secours du Capital, incitant la guerre civile idéologique puis armée dans les couches moyennes et populaires.
III – Le djihad unificateur…
Puisqu’il est nécessaire de le rappeler, je m’empresse de dire avant de poursuivre mon propos que je condamne, sans aucune réserve, les attentas du Charlie Hebdo qui ont eu lieu en Janvier 2015. Ceci étant dit, outre l’émotion, venons-en aux faits.
Pour cela, il nous faut d’abord nous rappeler d’un temps où l’Occident et principalement les Etats-Unis avait tout intérêt à s’allier avec les moudjahidins, ces combattants du djihad. Ce temps, était celui de la Guerre Froide et des années 70. C’était celui où Ben Laden posait aux côtés de Zbigniew Brzezinski[2].
C’est pourquoi, Hillary Clinton a justement rappelé devant le Congrès en Janvier 2013: «Souvenons-nous que les gens contre qui nous nous battons aujourd’hui, nous les avons créés il y a 20 ans. » Et d’ajouter : « Nous l’avons fait pour faire face aux Soviétiques qui avaient envahi l’Afghanistan de peur qu’ils ne dominent l’Asie centrale. A l’époque, on disait que ce n’était pas un mauvais investissement puisqu’on en avait fini avec l’Union soviétique. Mais soyons prudents avec ce qu’on a semé parce que nous allons le récolter. […] Nous avons dit aux militaires pakistanais, débrouillez-vous avec les missiles (sol-air) Stringer qu’on a laissés un peu partout dans votre pays et les mines disséminées tout au long de la frontière. Nous avons donc arrêté et traité avec l’armée pakistanaise et l’ISIS . Et nous devons maintenant compenser tout ce temps perdu ».
Depuis, cela a continué et l’Occident n’a eu de cesse de financier les islamistes radicaux afin non plus de lutter contre l’URSS, mais de déstabiliser le Moyen-Orient. Ainsi, les régimes laïcs et autrefois amis de Kadhafi ou Saddam, aujourd’hui d’Al Assad, ont été ou sont en phase d’être renversés. Lorsque le djihad agît en Afrique et au Moyen-Orient dans les intérêts de l’Occident, les médias mainstream les nomment « rebelles », lorsqu’il agit sur les territoires Occidentaux, ils les nomment « terroristes ». Comprenez bien que ce sont les mêmes. Comme l’avait très bien dit Hillary Clinton, les États Occidentaux ne récoltent donc aujourd’hui que ce qu’ils ont semé.
Les analyses qui tendent à démentir le fait que ces attentats aient été perpétués sous faux drapeaux et sans lien avec l’islamisme radical me semblent alors erronées. La question qui peut en revanche être recevable est celle de savoir si le gouvernement français, prévenu par les services secret algériens, deux jours avant, n’étaient pas en mesure de stopper cet attentat, et si oui, quels sont alors ses intérêts ? Nous entrons ici dans la spéculation la plus totale, qui revêt une part de légitimité du fait des incohérences que nous pouvons constater, mais je m’emploierai ici à éviter toute spéculation abusive qui est un non-sens et va à l’encontre du travail journalistique. Il me semble bien plus évident en effet, et même utile, que ces attentats ont été perpétrés par des membres du djihad ou d’une filière similaire.
Ce qu’il est important de comprendre, c’est que s’ils ont pu le faire et s’ils ont eu les moyens techniques et logistiques, c’est parce que nos gouvernements Occidentaux leur en ont donné les moyens en les finançant et en les armant dans leur guerre contre la Syrie aujourd’hui et avant en Lybie, en Iran ou même au Mali.
Nous constatons donc deux choses :
-Le terrorisme que nous condamnons unanimement aujourd’hui est le fruit d’une longue construction occidentale. D’ailleurs, Dominique De Villepin, n’a pas manqué de le rappeler la semaine dernière au micro de Jean-Jacques Bourdin[3]. L’Etat est donc directement impliqué dans ces attentats.
– Ces attentats auraient peut-être pu être empêché ou non. Dans un cas comme dans l’autre, nous constatons qu’il y a un vif intérêt pour l’Occident : celui d’agir au moyen du choc, sur les peurs, en renforçant les lois liberticides et de créer une union factice, tournée vers un ennemi commun : le bouc-émissaire – dernière possibilité d’union avant l’éclatement.
Au moment où j’écris ce texte, les récents sondages annoncent que la côte de popularité de François Hollande serait remontée à 25%. Vive Charlie ! Néanmoins, ces sondages, même s’ils ne reflètent pas la réalité permettent de la créer, nous le savons. Comme disait Coluche : « les sondages c’est pour que les gens sachent ce qu’ils doivent penser ».
Cette union sacrée factice alors, comme toujours lorsqu’il y a union sacrée, est le résultat d’un triangle entre l’élite politique, la population et le bouc-émissaire (ennemi de l’intérieur ou de l’extérieur : l’Allemand, le juif, l’arabe, le musulman…).
Aussi, plus que jamais il nous est nécessaire de comprendre la mascarade à laquelle nous assistons si nous voulons échapper aux conflits de demain. A l’heure où il nous serait possible de lutter pour nos intérêts, dans une lutte verticale, au-delà des querelles identitaires, tout nous conduit à la guerre civile. Cette guerre, c’est celle qui, comme les précédentes, ne servira que les intérêts de la classe capitaliste.
Alors, je suis prêt à lutter pour nos intérêts, mais si la seule occasion de voir surgir la lutte armée est celle qui consiste à me contraindre à prendre les armes contre l’ami, l’autre, ce même, qui m’a été désigné comme ennemi parce qu’un peu trop ceci ou cela, me détournant des causes réelles du mal-être que nous vivons, je m’y refuse.« Ils la veulent tous cette guerre … La haine n’entrera pas dans mon cœur… Je me trouve seul, exclu de cette communion sanglante » Romain Rolland, 1914.
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[1] Certains diront d’Eric Zemmour, contre qui je n’ai rien en tant qu’homme, qu’il ne souhaite pas la guerre civile mais qu’il en fait lui aussi le constat. Or, sans doutes qu’à titre personnel cela ne sert pas forcement ses intérêts mais ses analyses servent la mise en place d’une guerre civile d’abord idéologique… la guerre civile idéologique n’étant pas la guerre des idées, qui ne serait qu’une dispute au sens noble, mais bien l’instrumentalisation des idées qui conduit à la guerre.
[2] Artisan majeur de la politique internationale des USA. Conseiller de nombreux présidents américain et auteur du livre, le Grand échiquier.
[3] https://www.facebook.com/video.php?v=10204565178221852&set=vb.1005711725&type=2&theater
Loïc Chaigneau, pour l’Affranchi.