Trop faible pour créer de l’emploi durable et stopper la courbe ascendante du chômage de masse et de longue durée, la « reprise » annoncée de l’économie française (autour d’1 % à 1,6) n’a pas de quoi susciter l’enthousiasme dans les quartiers populaires. Outre qu’elle relève encore davantage de l’effet d’annonce que d’une réalité tangible, ses facteurs économiques seraient avant tout liés :
Réalité de la « reprise »
A la baisse conjoncturelle du prix du pétrole qui, tôt ou tard, remontera… surtout si « reprise » mondiale il y a, donc demande plus forte sur le marché des hydrocarbures ;
A la baisse de l’euro par rapport au dollar. Que cette baisse relative permette de pousser à la reprise valide, soit dit en passant, a posteriori l’analyse du PRCF qui a toujours souligné que le « franc fort », puis l’ « euro fort » nécessaire pour dissoudre le franc français dans l’euro-mark, était un facteur majeur pour plomber les exportations industrielles françaises en creusant le lit du « made in Germany » (en ménageant, dans un premier temps, la suprématie mondiale du dollar (cf Etincelles, juin 2015, article de G. Gastaud intitulé L’euro, monnaie crypto-protectionniste de l’Axe Washington-Berlin) ; cela dit, dans un contexte où l’industrie française a été globalement affaiblie, cette baisse de l’euro qu’a décidée la BCE (qui a décidé de faire tourner la planche à billet, l’industrie allemande elle-même ne parvenant plus à vendre dans les marchés de l’Europe du sud déprimés par l’austérité …) ne peut suffire à relancer sérieusement le produire en France. En l’absence d’une reconstitution du secteur public industriel (interdite par Maastricht), d’une relance forte des revenus du travail et d’un plan national de ré-industrialisation équilibrée du territoire national, la baisse de l’euro favorisera les importations… allemandes et, à la rigueur, celles de certains pays du sud ; comment exporterions-nous soudain des meubles, des voitures, des pantalons, que nous ne fabriquons plus chez nous depuis belle lurette ?
Même les prévisions les plus optimistes de l’INSEE qui postule un rebond de 7 points du niveau des investissements dans l’industrie selon sa dernière enquête de conjoncture, ne saurait cacher, que l’investissement industriel demeurerait ainsi 3 points en deçà de son niveau de 2007, et en recul de 11 points par rapport au niveau d’avant l’euro.
A l’arrière-plan de cette reprise ou pseudo-reprise, il y a son énorme coût social : le transfert de milliards d’euros d’argent public des ménages populaires et moyens vers le grand capital (Pacte de responsabilité Valls-MEDEF et démontage de la branche famille de la Sécu, loi Macron, appauvrissement méthodique des services publics et des remboursements-maladie, casse du Code du travail et des Prud’hommes, vente à la découpe d’Alstom, bradage de Gaz de France à Suez, etc.),
Un des facteurs inquiétants du très léger rebond de l’économie française tient à la sur-militarisation de l’économie ; à défaut de fabriquer de la machine-outil industrielle ou des tracteurs, la France capitaliste s’en sort surtout en vendant des Rafales aux pays belligérants du Proche-Orient. LA déstabilisation de l’Ukraine, de l’Afrique, du Proche-Orient par les boutefeux BHL, Sarkozy, Fabius, etc. devient une pièce essentielle de la stratégie économique « nationale » ; c’est tout sauf rassurant sur le moyen et sur le long-terme.
Quant au contenu de cette « reprise », il faut l’examiner en termes de classes. Quelle « croissance », pour qui et pour faire quoi ?
Sur le plan du travail, la seule croissance qui existe c’est celle du chômage et du sous emplois, ainsi que la baisse du niveau des salaires.
Selon les chiffres de l’INSEE, il y a désormais plus de 2,9 millions de chômeurs au sens du Bureau International du Travail, auquel il faut ajouter 1,5 millions de sans emplois, et 1,7 millions de travailleurs en sous emplois. soit plus de 6 millions de chômeurs. Dans le même temps, le taux d’emplois en CDI recule à moins de 48,8% quand celui de l’emploi en CDD progresse à 7%. Sur les 12 derniers mois, c’est près de 40 000 postes à temps plein qui ont été détruits dans l’industrie. quand le secteur de la construction perdait lui près de 50 000 postes.
Dans le même temps, les salaires (directs et indirects c’est à dire comprenant les charges) demeurent bloqués, alors que les prix réels continuent d’augmenter.
Sur le plan écologique, une croissance appuyée par l’Etat sur la base de grands projets inutiles, sur la base de l’extension des autoroutes privatisées (notamment par la privatisation du réseau routier public), de nouveaux aéroports fort discutables, du remplacement de la SNCF (transport ferroviaire public) par des autocars (privés), du déferlement de camions européens sur nos routes et autoroutes, est quelque chose de profondément malsain. La croissance oui – nous ne sommes pas des groupies de la « décroissance » et de la mise en accusation indiscriminée des technologies – mais la vraie question est de savoir si elle servira ou pas à satisfaire les besoins populaires ou, tout au contraire, à faire travailler les gens le dimanche, à flexibiliser encore plus l’emploi, à mettre encore plus de saletés dans nos assiettes, nos boissons, l’air que nous respirons dans le cadre d’une mondialisation néolibérale plus déréglementée, antisociale et anti-écologique que jamais ; nul besoin d’être un écolo vert pomme pour constater l’explosion des cancers, des myopies, etc. alors que des millions de gens sont mal logés, voire sous-alimentés ou malnutris ;
Quelle « croissance » si, la répartition des richesses restant ce qu’elle est, 2% de la population rafle 50% des revenus supplémentaires induits, 10% des couches moyennes supérieures accaparant presque tout le reste avec tout ce que cela comporte d’aberrations dans l’habitat, la répartition des services publics, le cadre de vie des classes populaires et des couches moyennes inférieures ?
Que faire dans ces conditions ?
D’abord, revendiquons des solutions progressistes de rupture : il faut sortir de l’euro, de l’UE, de l’OTAN pour reconstituer les outils politiques, monétaires, budgétaires et institutionnels d’un développement économique sain, tourné vers la population dans le cadre d’une lutte générale pour le socialisme. Dans le contexte hyper-verrouillé de l’UE néolibérale, croissance et décroissance ne peuvent que jouer au yoyo sur le dos des gens et c’est l’austérité à perpétuité (pour les salariés et les travailleurs indépendants) qui l’emporte dans tous les cas ; en période de récession, on taille à vif dans les prétendues « dépenses sociales » et les salaires ; dans les périodes plus fastes, les salariés ne voient pas la couleur des gains de productivité puisqu’on leur dit qu’il faut en profiter prioritairement pour « régler la dette » « due » aux marchés financiers : lesquels gagnent à tous les coups, comme le patronat…
En pratique, il faut vaincre l’attentisme des directions syndicales euro-formatées qui « attendent » la sortie de la crise et qui croient bon pour cela de « lâcher du lest » sur les acquis sociaux : moyennant quoi, les capitalistes se dégagent rapidement du financement de la Sécu… sans créer le moindre emploi stable. Seul un combat de classe aussi interprofessionnel que possible remettra les travailleurs à l’offensive en faisant rendre gorge aux actionnaires qui raflent d’énormes dividendes pour les gaspiller en revenus somptuaires ou pour les stériliser dans les paradis fiscaux (rappelons qu’on estime à 460 milliards d’euros les sommes placés par les riches dans les paradis fiscaux au détriment de l’économie française et de l’investissement productif).
En résumé, la seule « reprise » qui puisse profiter vraiment à la nation et aux travailleurs, c’est celle du combat de classe « tous ensemble et en même temps ».
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