Au-delà de la propagande des médias occidentaux, voici un témoignage indépendant sur ce qui se passe au Venezuela. Une stratégie de la tension et du coup d’état par l’ensemble de l’establishment de la classe capitaliste, de la dictature de la classe capitaliste contre le pouvoir populaire.
Un témoignage qui montre cette stratégie violente de la tension, de la déstabilisation de dictature du Capital contre le peuple. Une stratégie qui n’a rien de nouveau, puisque c’est déjà celle utilisée contre le Chili d’Alende. Et qui démontre la nécessité pour le peuple, pour la classe des travailleurs de construire les outils pour défendre la démocratie, la souveraineté populaire et la révolution, ce que l’histoire du mouvement social et populaire à conceptualisé sous le terme de dictature du prolétariat. Car à mesure que s’approfondissent les conquêtes de la révolution, la réaction de la classe capitaliste se fait plus violente et s’appuie sur l’ensemble des leviers de pouvoir qui demeurent tant que n’est pas mis en place la dictature du prolétariat très majoritairement entre ses mains. Oui la lutte des classes se durcie une nouvelle fois au Venezuela et nos camarades venezueliens, les travailleurs et la révolution bolivarienne ont besoin de l’indispensable soutien internationaliste. Car le soutien impérialiste à la bourgeoisie compradore qui déstabilise le pays lui ne manque pas. Ne nous y trompons pas ce qui se joue au Venezuela, au Brésil ou en Equateur et en Bolivie après l’Argentine c’est la contre offensive des forces fascisantes et dictatoriales de l’impérialisme américain.
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VENEZUELA – Un autre regard
Jacquelin JiménezJacquelin Jimenez se présente comme « femme, éducatrice, sœur du Sacré-Cœur au Venezuela ». Dans ce texte diffusé fin mai 2016, elle fait le point sur la situation actuelle dans le pays, telle qu’elle l’a perçoit et la sent depuis la position de vie et d’action qui est la sienne.
« No hacen falta alas para hacer un sueño,
basta con las manos, basta con el pecho,
basta con las piernas y con el empeño [1]. »
Silvio Rodríguez, « No hacen falta alas » (1984)Ces derniers jours, beaucoup de camarades latino-américains et latino-américaines m’ont appelée pour connaître notre situation, préoccupés en raison des informations qui leur arrivent sur le manque d’aliments dans le pays. Même la coordination générale de cette petite Société internationale à laquelle j’appartiens nous a appelés au téléphone de Rome. C’est le signe que les nouvelles doivent être alarmantes ! Pour ces raisons je fais un compte-rendu général pour expliquer, à partir de moi-même, de nos collectifs de travail, de militance, réflexion et amour, quelle est notre situation.
Nous confirmons le manque de quelques produits utilisés régulièrement à la base de notre alimentation. À savoir : le riz se fait rare, il devient compliqué de trouver un litre d’huile, les pâtes apparaissent plus régulièrement. Pour ce qui est du sucre, j’ai oublié quand j’en ai acheté pour la dernière fois dans un magasin, mais chez nous il n’a jamais manqué. Imaginez comment on peut avoir un produit alimentaire – qui n’est pas nécessaire pour la santé mais constitue la base pour certains aliments – grâce à un réseau de relations proches ou lointaines ou grâce à l’argent qui circule…
La farine de maïs manque dans les magasins, mais dans la rue la vente de galettes de maïs et d’empanadas [2] n’a pas diminué. La farine de blé manque dans les magasins, d’où le manque de pain dans les boulangeries, mais aucune boulangerie de nos quartiers n’a fermé ni cessé de vendre du pain sucré, des gâteaux et des galettes à des prix très élevés ; car le pain qui manque est le pain salé dont le prix est fixé à 50 bolívars (bs). Quand on en trouve il est à 150, 200 ou 350 bolívars. Et le contrôle des prix ? C’est qu’il n’y a pas de farine de blé !
Néanmoins, il ne manque pas de fruits et légumes dans toute leur splendeur et variété, ni aucune sorte de protéines que ce soit sous la forme de volailles, de viandes et de poissons à un prix 10 fois supérieur aux prix d’achat d’il y a un an. Il se passe la même chose avec le fromage frais, le jambon et d’autres sortes d’aliments qui n’ont jamais manqué, mais à des coûts très élevés… Et le contrôle des prix ? Défaillance gouvernementale ou impossibilité de sanctionner parce que celui qui a fait la loi a posé le piège.
Ont disparu les médicaments essentiels pour suivre un traitement régulier pour la tension artérielle, la circulation ou le cancer. Il faut beaucoup demander, négocier ou chercher pour obtenir un de ces médicaments essentiels.
Les produits d’entretien domestique ou de propreté personnelle ont augmenté de mille pour cent par rapport à l’an dernier. Et l’adorable café est inabordable, 250 grammes pour 800 bs quand le prix officiel est de deux dollars ou moins d’un dollar sur le marché parallèle. Combien coûtent 250 g de café dans n’importe quelle partie du monde ?
Le lait en poudre a disparu, et le lait liquide ou une version semblable coûte 500 bs, quand il ne dépassait pas 25 bs il y a un an. La valeur officielle d’un dollar était de 10 bs il y a un an, elle est aujourd’hui de 420. Et sur le marché parallèle qui fait monter le prix de n’importe quel produit, il est à 1000 bs. Pour comprendre la complexité de ce qui se passe dans notre grand pays, il faut connaître ces quelques données du marché.
Le système financier a cherché toutes les manières d’échapper au contrôle bancaire des devises que nous avons eu pendant 15 ans, ainsi qu’au contrôle des prix des produits alimentaires de base. L’industrie a trouvé les failles de ces contrôles grâce auxquels tous les Vénézuéliens ont pu avoir accès à une alimentation régulée, et avec elle, bien sûr, la stabilité émotionnelle de pouvoir nourrir une famille et d’investir les revenus dans les loisirs, les arts ou les vacances.
Aujourd’hui les prix échappent au contrôle, la production est arrêtée et le peu qui est produit est accaparé pour être mis en vente quand le patron du magasin en a envie.
Pauvre Venezuela, n’est-ce pas ? Comment est-il possible que cela arrive dans un pays si riche ? Que fait le gouvernement ? « Ce Maduro est un inutile » disent certains habitants et les gouvernants d’autres pays qui réclament le respect qu’ils ne pratiquent pas.
Même Google nous a consacré une photo, prise à New-York en 2011, qui montre une boutique avec les rayons vides pour expliquer par l’image la pénurie au Venezuela en 2013, avant que cette crise n’arrive. On a trompé ce pauvre Google ? Ou bien Google a trompé le monde entier ? On ne peut pas nier que la manipulation médiatique est un phénomène qui existe. Google a publié la photo, il ne s’excuse pas auprès de ce pays d’avoir encouragé des demi-vérités, et la vie continue comme si de rien n’était…
Rappelons-nous qu’il y a 20 ans tout ce qui manque aujourd’hui se trouvait facilement sur les rayons, mais nous, la majorité des Vénézuéliens, nous ne pouvions pas l’acheter parce que nous n’avions pas l’argent ni la sécurité professionnelle dont l’avenir est aujourd’hui incertain.
Tout ce qui manque aujourd’hui dans ce merveilleux pays n’est pas produit par ce gouvernement, ni ne l’a été ou ne le sera par aucun gouvernement d’avant ni d’après. C’est la production d’une industrie capitaliste, bourgeoise, manipulatrice de ses prix et de ses bénéfices, acharnée à faire tomber ce gouvernement légitimement élu avec un dispositif électoral reconnu dans le monde entier.
Il y a des gouvernants dans certains pays du monde qui n’ont pas été élus par leur peuple. Ce n’est pas notre cas. Et bien que le résultat des élections ne plaise pas à certains, c’est le résultat électoral. Si les résultats ne nous plaisent pas, changeons le mécanisme, la manière d’organiser les élections, changeons le système, mais n’insultons pas l’élu.
On critique la gestion de Maduro, mais on ne critique pas les manipulations de l’industrie, l’accaparement des aliments dans de grands entrepôts de cette même industrie, la diminution de la production pour user la majeure partie du peuple qui a soutenu la dignité de ce gouvernement.
On ne remet pas en question la dictature financière qui nous oblige à vivre sous la menace de la faim tous les jours, dans l’incertitude des médicaments toutes les semaines, dans l’inquiétude de voir arriver le jour où les sécurités salariales que nous a laissées le président Chávez ne seront plus suffisantes pour affronter le monstre patronal.
Parce que c’est bien une dictature financière que nous vivons, c’est un coup de force patronal qui, sur la durée, ne produit pas suffisamment parce qu’elle ne veut pas, parce que son but est de voir la défaite des chavistes qui osons se croire des personnes avec un futur, parce que ça leur fait mal que le gouvernement ait apporté éducation, estime de soi, sentiment patriotique, systèmes de santé gratuits, droits professionnels, salariaux et sociaux. Ce gouvernement a apporté une plus grande dignité et donné plus de sens à la vie pour les majorités pauvres de ce pays – cela ne s’oublie pas facilement. Est-ce parce qu’il y a plus de queues pour acheter bon marché où l’on peut que vous protestez ?
Les entreprises et les magasins ont préféré jouer avec nous ; ils produisent moitié moins pour nous pousser à nous battre pour avoir un produit alimentaire qu’un autre n’aura pas. Face à une queue de 300 personnes, ils vendent de manière obligatoire les tubes de dentifrice par paquets de 6, et quand il ne reste plus que 50 personnes dans la file, ils déclarents que le dentifrice est épuisé. Si on avait vendu un tube de dentifrice par personne, plus de 300 en auraient eu. Mais non, c’est obligatoire d’acheter le paquet de 6… on nous pousse à la bagarre !
Ils cherchent à tuer les sentiments de solidarité, d’espoir dans l’avenir et de construction collective qui étaient en fleur dans notre Mère-Patrie. Ces industriels préfèrent perdre de l’argent pour revenir au gouvernement et retrouver leurs privilèges d’être en première page des journaux, de se rendre au théâtre sans se mélanger avec les pauvres, d’aller dans les restaurants sélects sans avoir près de sa table un ouvrier ou un employé parce que son salaire d’ouvrier lui permettait de se payer, au moins une fois par mois, le même restaurant que ce patron d’entreprise se paie tous les jours.
Le peu de choses que produisent les entreprises publiques est ce qui se vend à bas prix, avec des prix régulés par ce gouvernement depuis 5 ans. La majorité fait aujourd’hui de grandes queues pour y accéder en une juste et obstinée défense de ces prix bas, comme une manière aussi de soutenir ce gouvernement. En même temps nous achetons à des prix très élevés les viandes, les produits d’entretien et les légumes, dont les prix montent chaque jour comme par magie.
Nos habitudes alimentaires changent, on mange du yucca au lieu du riz, boit des tisanes au lieu du café. Nous essayons avec curiosité des recettes alternatives pour faire des galettes de bananes et nous allons jusqu’à semer dans nos cours. Ombres et lumières de la résistance selon différentes visions et choix de monde, la complexité de la vie même, ici et là-bas où vous êtes en train de me lire.
Ce noble peuple n’est pas encore descendu dans la rue pour manifester contre la pénurie de nourriture, pour l’instant les grandes chaînes d’information ne peuvent pas diffuser cette nouvelle. Pour quelle raison ? L’opposition ne le fait pas non plus.
Ils manifestent pour leurs prisonniers politiques qui, en réalité, sont des politiques prisonniers ; ils se réunissent en petit nombre pour demander l’amnistie, le départ de Maduro. Mais ils ne réunissent pas les foules, une manifestation large pour protester contre le manque d’aliments et de médicaments. L’opposition n’a pas encore essayé d’utiliser le sentiment de fatigue pour rassembler les deux tendances politico-partisanes. Pour quelle raison ? Peut-être parce qu’il n’y a pas profit en jeu.
Il y a celles et ceux, comme nous, qui n’ont pas cessé de manger chez eux comme l’accoutumée. Il y a celles et ceux qui ressentent le manque de nourriture, la douleur de la mort faute de médicament, l’argent réduit en fin de mois. Comment estimer les majorités et les minorités dans les résistances de modèles politiques, les uns enkystés dans l’usage de leur pouvoir historique, les autres cherchant des alternatives, sans grande expérience de gouvernement, critiqués pour les exclure de l’imaginaire mondial ?
Ils n’ont pas pu renverser le président Chávez les deux fois où ils ont arrêté la production industrielle en 2002 et 2003 parce que le moment historique des relations politiques et des gouvernements alternatifs en Amérique latine était différent ; on vivait la meilleure période de solidarité et d’intégration.
Douze années d’étroites relations d’échanges commerciaux, d’union des forces pour prouver que d’autres formes de négociation et d’échanges commerciaux étaient possibles, au-delà du mercantilisme et des paiements d’intérêts. Ces relations nous sauvèrent d’un coup d’État à ce moment-là ; peut-être notre opposition les craint encore. Mais aujourd’hui les conditions des relations entre gouvernements d’Amérique latine sont différentes, et le coup d’État peut arriver.
Le gouvernement états-unien pronostique que Maduro ne tiendra pas à décembre. Ce gouvernement nous considère comme une menace, comme si notre gouvernement leur avait causé du tort ou avait fait mine d’envahir d’autres pays comme ils le font eux.
Durant ces 17 années de splendeur latino-américaine, les éternelles élites qui ont gouverné nos terres pour s’enrichir et laisser les pauvres à leur place de pauvres ont eu assez de temps pour étudier chaque pays, réorganiser leurs forces et s’attaquer aujourd’hui à nous sans mesure ni pitié. Ils ne nous pardonnent pas d’avoir tenté d’avoir nos propres formes de gouvernement, nos propres formes de parler et d’agir à partir de l’Amérique latine et non à partir de la Banque mondiale ou de la conception colonialiste européenne.
Les dignes dynasties de familles éduquées dans des collèges et universités catholiques pour gouverner (on ne dit pas pour opprimer) ont passé beaucoup de temps sans le faire, et c’est cette caste politique qui destitue aujourd’hui Dilma Rousseff accusée d’une corruption non prouvée, mais c’est sa parole de femme dirigeante d’un parti de travailleurs contre la parole puissante de patrons ayant l’immunité parlementaire.
Ce ne sont pas les faits qui parlent le plus de nos gouvernements de gauche : la sécurité sociale, la stabilité professionnelle, l’éducation au sein de nos peuples, mais les origines de classe, ethnie et genre de présidents comme Dilma, Evo, Chávez ou Maduro. Ces origines ne sont pas dignes de confiance pour les bonnes familles et la démocratie mondiale classique héritée des conquistadors. Cette caste, ce groupe habitué au pouvoir gouvernemental n’a pas pu vaincre dans les urnes le Parti des travailleurs du Brésil ni le Parti socialiste du Venezuela ; seul l’épuisement légitime au sein d’une partie du chavisme devant la situation qui est la nôtre lui a donné un parlement d’opposition au Venezuela.
Ces groupes de pouvoir, ces entreprises, ces intérêts financiers ont profité de la crise mondiale de l’économie, des erreurs des dirigeants gouvernementaux de gauche et de la lassitude que produit la manipulation de l’information parmi les populations pour détruire les gouvernements légitimes.
Les événements du Brésil rendent encore plus réelle l’éventualité d’un coup d’État au Venezuela ou la destitution de Maduro par un moyen ou un autre, et même par le mécanisme légitime du référendum, après avoir épuisé ce peuple par la pénurie d’aliments.
Avant la mort du président Chávez nous avons connu une sensation et des actions de bonheur collectif comme jamais auparavant ; notre taux de chômage est aujourd’hui à 6,7 % ; nos filles et nos garçons vont chaque jour à l’école avec les cartables et les fournitures scolaires données [3] par le ministère du pouvoir populaire pour l’éducation ; cela continue à être le cas et il n’y a pas d’abandon scolaire jusqu’à l’entrée du bachillerato [4] ; il y a un abandon progressif de 7,4 à 12 % du total des entrées au premier niveau durant les trois dernières années.
83% des personnes du troisième âge sur tout le territoire national ont été incluses dans le système de pensions de l’État, ce qui représente un total de 3 031 381 adultes âgés pensionnés, y compris toutes les religieuses du Sacré-Cœur du Venezuela qui vivons du salaire de notre travail, de la sécurité sociale et des pensions.
Plus que par la pénurie de certains aliments, produits médicaux et médicaments, nous sommes préoccupées par la possibilité très présente que le triomphe de l’industrie capitaliste au Venezuela, par n’importe quel moyen, entraîne la perte de la meilleure combinaison de sécurité sociale, salariale et éducative que nous ayons jamais eue.
Nous voyons notre avenir dans le miroir des licenciements massifs du nouveau gouvernement argentin, et dans la suppression du ministère de la culture du nouveau gouvernement du Brésil qui devrait être provisoire et qui gouverne déjà de façon totalitaire.
Devant les préoccupations des camarades du monde entier, nous leur disons que chaque jour est un jour de résistance, de souci et d’action pour soutenir le tissu relationnel solidaire face à une telle exacerbation de l’individualisme, face à tant de spéculation sur le présent et tant de nervosité face au futur.
Chaque jour il faut renouveler les espérances qui protègent la mémoire de ce qui a été conquis en justice et dignité, pour éviter la tentation de regarder en arrière et de nous changer en statues de sel.
Nous avons besoin de retrouver la confiance en l’humanité et en d’autres formes de pouvoir construit collectivement et à notre rythme. Il est urgent de continuer à réinventer la politique et ses différentes formes de politiques publiques en faveur des oubliés de l’histoire et des vaincus d’aujourd’hui par les industries de guerre et d’information, pour ne pas être perdants dans la recherche d’un autre monde plus juste et sororal.
Jacquelin Jiménez
Source : Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3376.
Traduction anonyme, revue et modifiée par DIAL.
Source (espagnol) : texte reçu par courriel, 27 mai 2016.[1] « Il n’est pas besoin d’ailes pour rêver / Il suffit d’avoir des mains, des poumons, / Il suffit d’avoir des jambes, de la ténacité. »
[2] Chaussons fourrés – NdT.
[3] Nous appliquons la règle de l’accord de proximité – note DIAL.
[4] Au Venezuela, l’éducation scolaire est organisée en 6 ans d’école primaire (5 en France), suivies de 5 ans d’école secondaire (7 en France). Le bachillerato correspond aux 5 ans d’études secondaires – note DIAL.